Si les gens malhonnêtes comprenaient l'avantage qu'il y a à être honnête,
ils deviendraient honnêtes par malhonnêteté.
Benjamin Franklin
ils deviendraient honnêtes par malhonnêteté.
Benjamin Franklin
« Le péché n’est pas ce qu’en font les moralistes. L’état de péché c’est d’être distant de Dieu »[1]. L’apriori est clair : Si l’éthique doit se confondre avec la morale, si l’on entend « spiritualité » dans le sens « recherche de Dieu », il faut comprendre que spiritualité et éthique sont totalement disjointes.
Si l’éthique est l’octave supérieure de la morale, on peut comprendre qu’avec la morale, nous entrons dans un monde fixe, où le bien et le mal sont définis en fonction de règles sociales. Avec l’éthique spirituelle nous entrons dans un monde fluctuant où le bien et le mal évoluent en fonction de nos prises de conscience individuelle. C’est en ce sens que doit se comprendre l’adage populaire « c’est avoir tord que d’avoir raison trop tôt ». Cela est même parfois dangereux. Mais la spiritualité doit-elle s’encombrer de la recherche de sécurité ? La réponse est clairement non.
Cet esprit de fidélité à sa Foi, cette nécessité de suivre son âme même …à contre cœur, nous en avons de splendides exemples dans la Bible. Le Christ agonisant apostrophe Le Père : « Éli, Éli, lama sabachthani ? » : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?[2] Lui, jamais n’abandonnera. De la même manière Job refusera de renier son dieu même au plus fort de sa détresse…
De ces fidélités forcenées on peut dire bien des choses : folie, suicide, incompréhension. Mais aussi : illumination, sacrifice, rachat du monde… La question pour chacun d’entre nous est de savoir jusqu’où notre spiritualité peut nous imposer son devoir d’éthique ? La réponse est simple : à chacun de nous d’en évaluer et d’en prendre le risque.
Si nous traduisons recherche de Dieu par recherche de vérités[3], la signification de cette prise de risque s’éclaire. Et la question de l’Unité de l’Homme, en chacun de nous, est posée. En lien avec l’idée que nos consciences doivent être unies ou scindées, la spiritualité prendra des aspects forts différents.
De nos jours nous sommes même amenés à réfléchir à l’idée d’une spiritualité laïque… idée que bien des déistes auront des difficultés à « tolérer ». Pourtant aujourd’hui, c’est cette idée de spiritualité sans dieu qui fait évoluer le concept du « spiritus chrétien » et le réoriente vers l’Universel[4].
Quoiqu'on en dise, le religieux n’est pas écarté, il est seulement remis à sa place de « chose politique et matérielle». Une « chose » au-delà de laquelle on aspire à renouer avec les liens de l’esprit. Nous aspirons à rejoindre un territoire où le mot « au-delà » a juste le sens de dépassement de la frontière avec l’en-deçà parce que nous ne pouvons rien dire d’autre de cet « au-delà » auquel nous aspirons. Nous sentons seulement qu’il est le sens de la vie.
Cet « au-delà » n’existe pas simplement dans nos têtes, pour donner un sens à notre vie. IL EST LA, il est la voie, le chemin, la porte. Cet « au-delà » EST le sens de La Vie. Il le contient. Cet au-delà de lui-même vers lequel tout candidat à la spiritualité rêve d’aller, il ne peut pas y aller sans se poser la question des règles qu’il peut, veut et doit respecter. Au risque de sombrer dans l’illusion, la folie ou pire, le dogmatisme, il lui faudra évaluer ce qu’il peut, doit et veut faire.
L’éthique au-delà du bien et du mal, cela signifie que chacun de nous a compris qu’il lui faut accepter de fixer ses propres limites pour vivre en paix avec les autres mais surtout avec soi-même. Il est illusoire de penser que la fixation unilatérale de ces limites, par la société, peut conduire à la Paix. J’insiste encore sur le fait que la notion de bien et de mal a prouvé, au cours des siècles, à quel point elle pouvait être viciée et vicieuse.
L’inquisition, les totalitarismes sont l’exemple des excès de l’application manichéenne du bien et du mal. L’esprit éthique est totalement opposé aux lois de Manès : il unit là où la dualité scinde.
Notre spiritualité nous impose un devoir d’éthique qui passe bien au-delà de la morale sociale[5].
Cette notion individuelle du Bien et du Mal dépasse les conventions qui organisent nos rapports avec les autres. S’il n’y a ni Bien ni Mal, nous sommes dans un autre registre qui organise le rapport du Moi au Soi. Nous entrons dans une réflexion aux frontières du faisable et du supportable.
Réflexion dont nous sortirons victorieux en acceptant une ascèse et une méditation solitaire qui nous ballotera inlassablement de notre inconscient à notre conscient. On perçoit aisément que les dimensions d’une analyse croisée entre « spirituel » et « éthique » dépassent le cadre d’un simple examen de conscience.
Dès lors, comment ne pas tomber dans l’abîme indéfini de l’infini ? Comment parler de l’infini sans tenter de le définir ? Pour répondre sans trembler, il nous faut rester impérativement sur le chemin médian d’un sommet très escarpé.
On sait toute la difficulté que la justice des hommes rencontre dans sa volonté de rester juste. Au-delà du bien et du mal, la justesse semble un horizon terrestre plus fiable que la justice : si notre spiritualité réclame une éthique, elle est à rechercher du côté d’une pensée plus juste, plus équilibrée, aux antipodes de l’archétype du justicier.
Dans les loges égyptiennes, nous avons la chance de côtoyer la Déesse Mâat[6]. La Mâat, "l'ordre juste du monde", est au cœur de la compréhension de la civilisation égyptienne toute entière. Elle est le fondement de sa longévité. « Mâat est liée et confondue avec l'éthique qui inclut justice et vérité, avec l'ordre universel[7] et avec l'intégration sociale fondée sur la communication et la confiance[8]. » Cinq mille ans plus tard, c’est toujours un programme à remplir pour une civilisation du XXI°S…
Si notre spiritualité nous impose un devoir d’éthique, ce devoir est très proche de la pensée de Jean Jaurès quand il explique : « Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques ».
Dans un autre registre, en astrologie, le signe placé au sommet de l’axe du monde du côté de la « Porte des Dieux », (celle qui est opposée à la « Porte des hommes ») est le « Capricorne ». Dans un raccourci lapidaire, le symbolisme de ce signe contient la question qui nous est posée ainsi que sa réponse :
« Le Capricorne est le symbole de la montagne sur laquelle grimpe la chèvre et montre que l’homme doit continuellement chercher à s’élever. Dans la tradition ésotérique, il est la porte de sortie de l’âme du monde manifesté. Il sait accepter la solitude pour atteindre le sommet. Il dispose de qualité d’endurance et de persévérance. Il est gouverné par la planète Saturne, maître de la recherche et de la connaissance. Il a un caractère irrationnel, ouvert sur l’infini pour ce qui concerne la vie intérieure : le futur.
Il s’agit pour lui de renoncer à lui-même en faveur de quelque chose de plus grand, soit la création toute entière, soit le retour éminent en Dieu ».
[1]C’est avec le père Henri Le Saux, moine bénédictin mort en 1973 que je choisi de commencer cette réflexion sur la spiritualité et l’éthique.
[6] Mâat règle tout à la fois l’ordre d’en haut et celui d’en bas, l’ordre du macrocosme et du microcosme.
[7]L’ordre cosmique, social et politique.
[8] Autrement dit : Sur l’unification des consciences.

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