dimanche 22 janvier 2012

Quintessence et 5ème élément


Voir, opération de l'œil.
Observer, opération de l'esprit. 

Contempler, opération de l'âme.
Quiconque arrive à cette troisième opération
entre dans le domaine de l'art.



Emile Bernard, Propos sur l'art







Suite logique du quatre, addition du 3 au 2, soustraction de l’unité au 6, moitié du dix, le symbolisme du cinq nous incite à une méditation sur le microcosme. Il est prêt à nous révéler notre secret intime aussi bien que la réponse aux énigmes de ce monde. Il n’y a plus qu’à… Il ne reste qu’à… C’est dans ce « reste qu’à» que réside la difficulté. On s’élance, on recule dans un mouvement à deux temps : inspiration, expiration. Le souffle entre puis il sort, à l’infini. Inaccessible étoile, le pentagramme nous montre la voie. Voie d’Orient ou Voie d’Occident, l’étoile polaire dite aussi étoile du mage, étoile de mer ou Stella Maris, universalise cette recherche parfois passionnée, toujours persévérante que le compagnon poursuit dans son cœur et dans sa vie.

Le cinq, chiffre de l’homme par excellence arrive juste après que nous ayons découvert les quatre éléments qui composent la matière. Il précède le six, cela a sans doute son utilité... Sur ce chemin éminemment mathématique, l’ordre n’est jamais anodin. Le hasard n’ayant pas de place dans cette affaire, on peut estimer avoir fait un pas dans la découverte des choses matérielles et immatérielles de ce monde en avançant dans l’ordre des nombres. La question reste de savoir si nous aurons le temps de passer à l’étude du 6 avant de mourir car plus nous étudions le 5, plus le voile s’étend sur ce qu’il nous reste à découvrir de lui. En envisageant le passage du 5 au 6 on mesure la difficulté de la recherche, on comprend pourquoi certains renâclent à passer du matériel au spirituel, de l’inconscience à la conscience, de la physique à la métaphysique, de la vie à la mort, du rationalisme à l’hermétisme : un monde les sépare.

Perfection géométrique créant une subtile harmonie, le pentagramme, symbole du microcosme, relie l’Homme à la Vie. Celui qui cherche perçoit cette vie et il la trace : équerre et compas en main. On constate que les cinq extrémités de l’étoile s’inscrivent dans la circonférence d’un cercle à équidistance d’un sixième point situé en son centre. Se centrer, c’est se situer à équidistance de ses 5 sens, dans l’équilibre parfait entre esprit et matière. 

Si nous gardons en mémoire l’Homme de Vitruve, rappelons que les bras symbolisent la volonté ; les jambes, la matière ; la tête, l’esprit. Autrement dit, le tracé de l’étoile :
nait de la tête,
descend dans la première jambe à la recherche de la matière,
remonte chercher dans le bras droit, la volonté humaine,
récupère la volonté divine dans le bras gauche,
redescend dans le secret de la matière,
et remonte directement se fondre dans l’esprit.

Traversant d’Orient en Occident, du Midi au Septentrion, celui qui cherche trouve la force de poursuivre sa quête en cheminant entre beauté et sagesse. Suivre la voie de l’Etoile c’est une façon de trouver l’équilibre dans l’harmonie. Ce trésor hermétique s’étale sous les yeux du profane comme sous ceux de l'intié. Il est réellement « donné » à celui qui accepte de se baisser pour passer la Porte. Le secret s’écrit en toutes lettres sur les murs de nos cathédrales comme une traduction humoristique du « Livre pour sortir à la lumière du Jour », plus souvent traduit par « Livre égyptien des Morts ». 

Laissons nous « aspirer » par les passerelles entre ces mondes : l’antique et le médiéval, l’occidental et l’oriental. Sans complaisance pour un syncrétisme réducteur, l’universalité de cette cosmogonie ne déçoit pas : par ses effets dilutifs sur l’ego, elle est magique. On entre en Soi comme on entre dans une église. Dans notre monde matérialiste, vouloir sacraliser l’instant présent, passe paradoxalement pour… un sacrilège. Le monde moderne ne nous laisse pas le temps de revenir au centre : il nous décentre. De perte de repères en perte de sens, nous courons très logiquement à notre propre perte. Dans la nuit ambiante, l’étoile est un sémaphore ésotérique pour celui qui accepte de le (re)connaître. 

Quel que soit le pas, pas de fourmi ou pas de géant, l’essentiel est qu’il mène dans la bonne direction. Mais quelle est la « bonne » direction ? Guidée par la lumière de l’étoile, seule une voix intérieure peut répondre à cette question. Un maçon doit absolument être « libre » pour pouvoir se laisser guider dans cette voie qui le protège de la cacophonie de voix parasites. Ce processus de transformation de l’être est « alchimique ». Dans le projet de passage de l’animal à l’humain, quand il tente de s’ériger sur ses pieds, la pugnacité et de répétition font l’essentiel du chemin mais sans « illumination » rien n’est possible. Car c’est par l’illumination que la lumière s’infiltre dans le projet. Nous pouvons accumuler matériaux et idées, seul un déclic les fera passer de l’immobilité à la mobilité. Ce déclic c’est l’illumination. Ce déclic, c’est la Vie.

La transmutation opère par un processus pénible et lent pour le jeune impatient qui souhaite voir la lumière mais il est terriblement rapide, pour le vieillard qui sent la cristallisation le guetter. Le jeune et le vieil homme cohabitent en nous jusqu’à ce que le processus nous arrache irréversiblement à la vie profane. L’étoile n’est pas faite pour qu’on la rejoigne mais pour qu’on la regarde avec les yeux du cœur : ceux qui ne s’ouvrent qu’à l’intérieur. « L’œuvre cachée et mystérieuse est en toi ; partout où tu iras, elle sera avec toi à condition de ne pas la chercher au dehors » disent les alchimistes. Le but de cette vie n’est pas d’atteindre le port au plus vite mais bien de trouver la route.

De la même manière, on peut dire aussi que le chemin vers le centre passe par une spirale infinie. Alors que je travaillais à la réalisation de cette planche, un rêve m’a enseigné que l’anagramme de « résurrection » peut se lire « reconstruire ». Cette superposition de sens dans un mot mythifiée par le christianisme offre des perspectives sidérantes aux plus rationalistes d’entre nous. 

A propos de jeu de mots, signalons que si le langage est émaillé d’expressions « étoilées » comme le très hollywoodien « a star is born » ou le très énigmatique « soleil noir », sans doute n’est-ce pas étranger à notre lointain inconscient collectif égyptien. L’Egypte antique fourmille de références à l’astronomie, au ciel, aux planètes, aux étoiles. Les anciens égyptiens déduisaient de la course des astres le principe de cyclicité de la vie. L’idée de vie au-delà de la Vie est toute entière incluse dans cette notion de cyclicité. Sirius-Sothis symbolise la crue du Nil car celle-ci coïncide avec l’apparition de l’étoile dans le ciel de juillet. A l’image de Sirius, tel un dieu, le pharaon renaissait étoile parmi les étoiles. Ainsi espérons-nous, à la fin d’un futur « Darma », après avoir épuisé les freins accumulés dans notre « Karma », nous fondre sans retour dans la Reine Mère de toutes les étoiles : Rà.

Encore faut-il accepter de lever les yeux au ciel pour contempler l’Etoile. Et dans le mot « contemplation », la racine « Temple » nous saute à l’esprit comme un diable de sa boite… Paradoxalement, contempler l’univers c’est être tout entier centré sur la construction de notre Temple intérieur.  
Inclus dans un pentagone, le pentagramme ne contient que des angles « antagones » qui s’opposent en se complétant. Comprenons que l’antagonisme est une richesse qui rend la tolérance plus facile. Il devient clair que lorsque l’étoile brille au plus profond de nous, le mouvement de la vie s’en trouve renforcé et soudain « le rituel ouvre des portes par où la Lumière Supérieure entre à flots » . 

5 commentaires:

  1. En rendant visite à Jean Bissur, j'ai vu ce blog et je dois dire que je partage son avis sur son excellence. C'est un blog avec lequel je me sens en communauté d'esprit. À bientôt.

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    1. Merci Ariaga. Internet a ceci d'extraordinaire c'est qu'il donne une idée de ce que peut être l'unité en esprit. Les regroupements se font par affinité, en silence, et les échanges sont adaptés au rythme de chacun.

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  2. Comme Ariaga j'arrive du même endroit et je suis enthousiasmée par cet espace ! Je retrouve des "présences" familières, notamment celle de schibboleth ... Il règne ici un bel esprit fraternel. Je reviendrai assurément.

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    1. Que les colonnes se placent sur leurs bases :=))) Tu es bienvenue...

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  3. Ce film me fascine: Le cinquième élément! Je l'ai visionné bien des fois et j'y ai souvent découvert de nouveaux détails qui m'avaient échappés avant. Une collègue de travail a fait un rêve où une femme tentait de séduire son mari, mais elle lui tendait d'un geste rempli de confiance une feuille où s'inscrivait le chiffre 5. Le 3 (masculin) et le 2 (féminin) additionnés donnent le 5, symbole d'union, nombre nuptial, mariage du ciel et de la terre (entre autres significations). Je suis d'accord avec Ariaga et Tempérance, ce blog est un agréable lieu de réflexion et de rencontre!

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