dimanche 20 novembre 2016

Adieu l'Ami, à toi "l'étranger", si lointain et tellement proche à la fois.

Malek, tu es mort à l'aube, samedi dernier.
J'ai appris la nouvelle dans la soirée, par un bandeau courant au bas de mon écran télé. Après la sidération due à la violence du choc, ma mémoire me rappelle avec une immense tristesse, les moments partagés avec les copains du 7e étage de la rue de Cîteaux. A l'orée de la vieillesse, j'aime me souvenir de ces instants de joie, de peine... de Vie que notre statut d'étudiants nous a permis de traverser ensemble, dans la sereine concorde que confère la neutralité bienveillante d'un espace dédié à l'étude.

Depuis trente ans, nous ne nous étions guère revus. Je suivais tes interventions par la grâce de nos technologies modernes. Elles me faisaient sourire, froncer les sourcils, parfois j’acquiesçais "in petto" à tes suggestions rocambolesques pour un "Islam des Lumières" : c'était toujours avec joie que ta voix provoquait en moi ces émotions intellectuelles, parfois si contradictoires.

Dans ces médias que tu as tant aimé fréquenter, je lis les commentaires qui accompagnent ton départ. Certains hommages sont à la limite de la dithyrambe, d'autres à la limite de l'insulte! Sans doute ne mérites-tu ni cet excès d'honneur, ni cet excès d'indignité.

En plaçant ton travail à l'épicentre de questions qui agitent nos sociétés schizophrènes, il me semblait que tu prenais des risques insensés. En occident, ton pragmatisme (ton âme grecque) faisait de toi l'homme idéal pour contrer les idéologues de tous bord.  A l'orient, ta dévotion à l'islam (ton âme "ivre de Dieu") suffisait à t'ouvrir certains coeurs.  Tu ne voulais pas voir que l'islam officiel (politique) a toujours regardé avec méfiance les mystiques. Et même si la mystique n'a jamais été officiellement et personnellement ta "tasse de thé", je sais que tu avais fait tien le dernier vers de ce quatrain d'O. Khayyam :

« Contente-toi de savoir que tout est mystère :
la création du monde et la tienne,
la destinée du monde et la tienne.
Souris à ces mystères comme à un danger que tu mépriserais. »

Je sais aussi que là où tu te trouves aujourd'hui, tu peux accéder à toutes les réponses. De cette Terre, la chrétienne que je suis, répond à ton intrépidité par cet envoi du même Omar :

« Puisque notre sort, ici-bas, est de souffrir puis de mourir,
ne devons-nous pas souhaiter de rendre le plus tôt possible à la terre notre corps misérable ?
Et notre âme, qu'Allah attend pour la juger selon ses mérites, dites-vous ?
Je vous répondrai là-dessus quand j'aurai été renseigné par quelqu'un revenant de chez les morts. »

Adieu l'Ami. 
Nous nous retrouverons bientôt au Paradis des hommes de bonne volonté.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Cet espace vous appartient, laissez le commentaire que l'article vous inspire.